En Allemagne, la guilde des fous rythme le carnaval de Gengenbach depuis 1499

Dans le sud de l’Allemagne, le carnaval est une institution très populaire dont les racines remontent à l’époque médiévale. Au cœur de la Forêt Noire, dans la pittoresque petite ville de Gengenbach, on peut découvrir cette tradition aux fabuleux masques en bois sculptés : sorcières, animaux, diables… Accrochés aux fenêtres, des balais de sorcière attendent leurs maîtresses parties embêter la populace. Bienvenue au Fasend, le carnaval de Gengenbach !

La 5e saison de l’année, c’est carnaval !

Tandis que le reste de l’Europe vit en fonction des 4 saisons, l’Allemagne du Sud en a rajouté une. En hiver, elle vibre au rythme de Noël, puis du carnaval : le Fastnacht.

Entre la Fête des Rois et le carême, un grain de folie délicieusement chaotique s’empare de la région. C’est le moment où l’on se goinfre de beignets tout en chassant les mauvais esprits en faisant un maximum de barouf : coups de fouet claqué sur les pavés, grelots, crécelles tournoyantes…

La tradition du carnaval en Allemagne (comme ailleurs en Europe) a beaucoup évolué au fil des siècles. Fête très populaire, elle a périclité sous la réforme protestante. Forcément, ni l’Église ni l’État n’aiment que leur autorité soit tournée en dérision ! C’est ainsi que l’association des guildes des fous souabe-alémanique (Vereinigung schwäbisch-alemannischer Narrenzünfte) est née en 1924, pour protéger le carnaval maintes fois interdit par les autorités. Et chaque guilde possède ses propres coutumes et costumes !

À Gengenbach, les fous honorent une blague faite en 1499

Au sein de cette confrérie atypique, 69 corporations de bouffons militent pour la survie du carnaval en Allemagne du Sud. Parmi elle, la Narrenzunft Gengenbach, guilde des fous de Gengenbach, qui perpétue la tradition du Fasend (un autre mot pour dire carnaval). Une habitude locale qui remonterait à l’an 1499, lorsqu’un groupe de citoyens s’est mis à dos le magistrat suite à une mauvaise blague. Afin d’éviter de finir dans la prison de la tour Niggelturm, ces trublions ont dévalé bruyamment les rues avant de se réfugier dans l’abbaye, et furent pris en pitié par l’abbé qui leur a obtenu l’amnistie.

Aujourd’hui, la Niggelturm abrite un musée dédié au carnaval de Gengenbach et à ses fabuleux costumes, mais aussi le Schalk. Le carnaval démarre officiellement lorsque la foule va réveiller le Schalk, endormi le reste de l’année dans la tour, et qu’il salue le peuple des fous !

Ce que je trouve particulièrement intéressant avec ce carnaval, c’est que la version actuelle est, en fait, plutôt récente. Par exemple, ce n’est qu’à partir de 1930 que les masques en bois iconiques firent leur apparition, et il faudra attendre 1999 pour que les décorations fleurissent sur les maisons. C’est donc une tradition à la fois ancienne et moderne.

ABC des costumes du carnaval de Gengenbach

Parce qu’il regroupe plusieurs associations locales qui ont imaginé leurs propres costumes au cours du XXe siècle, le carnaval de Gengenbach permet de découvrir plein de personnages différents. Les masques, généralement sculptés en bois de tilleul, sont plutôt effrayants : il faut bien ça pour faire fuir l’hiver… et traumatiser quelques gamins au passage (avant de leur distribuer des bonbons, quand même). Voyons de plus près qui vous pouvez rencontrer…

Hexe : la vilaine sorcière

La figure de la sorcière est extrêmement répandue dans les carnavals en Forêt Noire. C’est elle qui sème la pagaille, et elle a tendance à garer son balai un peu n’importe où sur les façades de la ville ! On la reconnaît à son masque de bois au long nez crochu, sa jupe en laine rouge et surtout ses chaussettes rayées multicolores. Le costume est porté par des hommes.

Spättlehansel : la sorcière sympa

Reconnaissable à son costume de tuiles en tissus colorés et ses grelots accrochés à son chapeau, la Spättlehansel est le symbole du carnaval de Gengenbach, celui qui le démarque des autres carnavals d’Allemagne. Le costume est porté par des femmes. Il comporte environ 1 200 tuiles en tissu ! Malicieuses, elles utilisent parfois une streckschere, une pince pantographe en bois qui leur permet d’attraper chapeaux et casquettes du public.

Rotzlöffel : le garçon facétieux

Dans les années 50, de joyeux lurons allaient de porte en porte pour inciter les habitants à participer au carnaval de Gengenbach. Ils se sont constitués en association en 1952, mais il faut attendre 1996 pour que ce masque de garçon rieur soit créé. Vêtu d’un bonnet à pompon, d’une salopette et de brodequins, il se trimballe avec un lance-pierre pour parfaire le look un peu voyou.

Bergwalddeifel : le démon de la forêt

Voici un autre costume plutôt récent, puisqu’il date de 1990. Il s’agit d’un masque aux petites cornes et à la langue pendante, et d’un costume mi-animal mi-diabolique de fourrure et de cuir. Il porte un fouet (le Karbatsche) qu’il fait claquer au sol pour dompter le diable, ou une branche en bois à laquelle des grelots sont accrochés.

Strohhansel : l’homme de paille

Créé en 1979 avec la volonté d’imaginer un costume qui rappelle l’activité paysanne locale, ce personnage porte un masque de bois et une blouse en paille. Il défile avec des outils de récolte en bois.

Liste non exhaustive, à vous de découvrir les autres ! 😉

Comment profiter du carnaval de Gengenbach ?

La ville est idéalement située à 40 km de Strasbourg, juste au sud d’Offenbourg. Les festivités s’étendent sur plusieurs jours, avec plusieurs défilés et événements. Certains sont le week-end, d’autres en pleine semaine, d’autres le soir. Il y en a donc forcément un où vous pouvez vous rendre, quel que soit votre emploi du temps ! Et même hors de ces événements, Gengenbach est une ville très agréable à visiter.

Si vous venez lors du grand défilé, gare à la foule. À moins que vous n’arriviez tôt, vous aurez du mal à trouver une place dans les parkings autour du centre-ville, ce dernier sera d’ailleurs inaccessible en voiture. N’hésitez pas à vous éloigner un peu, vous pourrez ainsi admirer les décorations de carnaval sur les balcons et fenêtres des habitations.

Le cortège fait deux fois le tour du centre-ville. Vous verrez aussi bien des costumes que des chars, et quels chars ! Ils sont beaux, ils sont originaux, ils sont grands, parfois tellement qu’ils doivent être démontés en partie pour pouvoir passer sous la Obertorturm !

J’ai connu l’existence du carnaval de Gengenbach par hasard en allant faire une randonnée à côté, début février. J’étais très étonnée de découvrir que cet événement était le fruit de l’alliance entre une tradition très ancienne, et des costumes plutôt modernes. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour créer de nouvelles coutumes ! Si vous aimez découvrir les fêtes traditionnelles d’Europe, je vous propose de continuer votre voyage en Finlande à l’occasion du solstice d’été, sur un archipel pas comme les autres…

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