Je le reconnais, moi aussi j’ai pesté contre tous ces blogueurs qui ont fui la pandémie pour passer le temps sous de meilleurs auspices, abasourdie par leurs stories Insta frôlant l’indécence. Mais je comprends, un peu. Parce que quand s’est offerte l’opportunité d’aller en Californie du Nord, je n’ai pas trouvé la force de dire non. J’étais aux anges à l’idée de partir loin du confinement. Si seulement j’avais su dans quoi j’avais mis les pieds. Night City a aspiré mon âme, et depuis mon retour, je la cherche encore…

Oui, j’ai succombé à l’appel du voyage en pleine pandémie. Et alors ?

J’ai pris mon mal en patience pour parler de ce voyage car je m’attends à subir une volée de bois vert de la part de mes compatriotes blogueurs de voyage. Et ils auraient raison. Car j’ai eu la tête tellement retournée par le deuxième confinement que je n’étais plus capable de discernement. C’était devenu presque une question de vie ou de mort : sans plus aucune perspective de voyage depuis le printemps, ma santé mentale dépérissait à vitesse grand V. J’ai donc profité d’une occasion inespérée en décembre, une brèche entre les frontières, pour prendre à l’arrache un vol pour la Californie du Nord, alors que les Américains célébraient encore la victoire de Biden.

Car la Californie, voyez-vous, ça a toujours été un fantasme un peu inavoué. J’avais décidé de ne plus mettre les pieds sur le sol américain tant que le gros cul de Trump était sur le fauteuil de la Maison-Blanche. Mais en secret, je ruminais de ne pouvoir exaucer un rêve d’ado :

  • voir les palmiers,
  • les avenues immenses,
  • le désert californien,
  • et, avouons-le, cette envie de vérifier les clichés servis dans les séries américaines, à base de Walker Texas Ranger à santiags et Barbies-wannabe botoxées.

J’ai donc atterri en décembre dans l’État libre de Californie du Nord, plus précisément au sud de San Francisco, pour un solo trip d’une semaine accompagnée de mon fidèle appareil photo. Là se trouve une ville qui pourrait être l’enfant illégitime de Las Vegas et Kabukichō, le quartier olé olé de Tokyo. Night City. 🌃

Pourquoi avoir choisi de faire du tourisme à Night City, la « pire ville dans laquelle vivre en Amérique », moi qui suis si proche de la nature ? Et bien parce qu’après plus d’une demi-année passée en Macronie (d’aucuns parleraient d’Absurdistan), la seule chose qui pouvait faire taire les pensées intrusives et obsessionnelles générées par mon anxiété grandissante était le brouhaha de la foule, la débauche, l’obscène. Je me suis laissée convaincre par le site de l’office de tourisme local. Je cherchais une véritable claque qui ferait cesser d’un seul coup le tourbillon de mes idées noires, me laissant sonnée. Et je l’ai trouvée, au fin fond de ce dédale futuriste de ruelles, royaume du graillon et des néons grésillant. Je vous emmène ? 👋

Night City, ville avant-gardiste tombée dans la décadence

Les gens disent que personne ne quitte Night City, excepté dans un sac d’abattoir. Je veux bien les croire. Et c’est vrai que cette ville n’est pas qu’un lieu de perdition où enseignes criardes côtoient immeubles à moitié délabrés. Territoire des mafias, les corporations corrompues y ont supplanté les forces de l’ordre. Ici, « la loi, c’est moi », tant que l’on a un flingue de plus gros calibre que celui de son voisin. Nous sommes aux États-Unis, après tout.

Mais parlons de ce qui fait l’âme de Night City : les nouvelles technos. Ici, la technologie avant-gardiste est un mode de vie, je dirais même un ART de vivre. Elle pousse partout, comme une mauvaise herbe s’empare de chaque panneau publicitaire, chaque bout de trottoir encore intact. Ici, tout le monde est vacciné, chacun a sa puce électronique. C’est… déconcertant. 

Cette ville est à l’image d’autres mégapoles plus connues des États-Unis : décadente, grandiose, envoûtante, malaisante. La seule différence, finalement, c’est que tout y est poussé à l’extrême.

Je sens votre curiosité à travers l’écran (c’est un super pouvoir sensoriel de ma puce 5G implantée là-bas), alors je ne vais pas retenir le suspense plus longtemps. Je vous relate en photos mon séjour touristique à Night City, en espérant qu’il vous donne envie de parcourir les moindres recoins de cette ville déstabilisante !

👁‍🗨 Passez la souris / appuyez sur les photos pour faire apparaître les légendes !

Un voyage entre néons, déchets et technologie

Panorama de Night City
Le soleil se lève sur le quartier huppé de Charter Hills. On dit que c’est là qu’atterrissent ceux qui ont assez réussi pour éviter les secteurs craignos, mais qui n’ont pas encore assez de pépètes pour gravir la colline de North Oak (un genre d’équivalent d’Hollywood).

Piscine abandonnée de Night City
Je m’aperçois assez rapidement que les quartiers périphériques où s’entassent les minorités ethniques sont en réalité des dépotoirs à ciel ouvert oubliés de la municipalité.

Night City by night
Pas de doute, c’est bel et bien la nuit que Night City doit se découvrir. Le temps semble s’arrêter et c’est là que tout se passe.

Dans le cœur vibrant de la tapageuse Japan Town

Japan Town est la destination incontournable des voyageurs car c’est là que se situent pléthore d’hôtels. De quartier paisible en journée, Japan Town se mue à la nuit tombée en lieu bouillonnant, excessif, criard. Un peu à l’image de la fameuse Khao San Road de Bangkok dont je vous avais ramené une vidéo ici. Tout Night City s’y rue pour dépenser son argent en prostitué(e)s, machines à sous, alcool et autres vices. Le quartier lui-même est conçu pour perdre à la fois son orientation et la notion du temps !

Entrée de Japan Town
L’entrée du Cherry Blossom Market où l’on trouve restaurants, gargotes, souvenirs, gadgets électroniques, bref : le parfait attirail d’un marché de nuit asiatique (y compris la chaleur écrasante, merci la grande verrière qui surchauffe les lieux).
Cherry Blossom Market
Le marché couvert est vraiment une pure merveille pour celles et ceux qui aiment fureter de stand en stand, en goûtant çà et là une brochette, une pâtisserie, une cuisse de poulet OGM…

Défilé de la corpo Arasaka
J’ai eu la chance de visiter ce quartier lors d’un défilé de la corporation Arasaka. Entre les lampions circulent des hologrammes qui feraient baver d’envie Mélenchon.

Coup de chaud à Jig-Jig Street

Tout comme Tokyo a Kabukichō, Amsterdam son quartier rouge, et Paris sa place Pigalle, Night City a Jig-Jig Street. Planquée dans Japan Town, l’exotique et décadente Jig-Jig Street fait partie de ces secrets de polichinelle dont on tait le nom, mais on sait très bien que tout le monde y va quand personne ne regarde.

En tant que blogueuse voyage, écrire sur ma visite de Night City sans parler de Jig-Jig Street serait un non-sens. J’ai donc sacrifié ma pureté et j’ai arpenté cet univers de débauche, avec à la clé des photos ultra confidentielles. Si vous avez moins de 18 ans, c’est le moment de quitter cette page 😉

Entrée de Jig-Jig Street
L’entrée de Jig-Jig Street se situe non loin du Cherry Blossom Market. En journée, on dirait une allée crade où rien de bon ne nous attend. Il faut attendre que la nuit tombe pour que l’enseigne s’allume, attirant ainsi les regards.

Sex shop de Jig-Jig Street
Je n’ai pas eu le droit de rentrer dans un sex-shop avec mon appareil photo, confidentialité oblige, mais j’ai pu photographier une de leurs devantures. Comme vous pouvez le voir, on y voit les choses en grand (comme partout ailleurs en Amérique).
Pachinko de Jig-Jig Street
Jig-Jig Street étant également le bastion des yakuzas, on y retrouve les fameuses salles de pachinko où hommes en costard et femmes en tailleur restent les yeux vissés sur les écrans multicolores, dans une frénésie de jeu addictive.

Échappée belle dans les Badlands

Vous savez quelle est la chose qui me manque le plus, depuis le début de cette putain de pandémie ? Les concerts. Sentir la musique vibrer dans ma cage thoracique. La moiteur des corps. La formidable énergie collective qui irradie d’une foule en délire. Avide de retrouver ces sensations familières, je me suis dirigée vers le Totentanz, un club planqué dans une usine abandonnée où devait se produire le groupe de hard-tech Tinnitus (dont voici un morceau).

C’est à l’occasion de ce concert ébouriffant que j’ai bousculé sans faire exprès une jolie brune aux yeux de braise appelée Panam. L’alcool aidant, nous avons rapidement sympathisé et, toute contente de rencontrer une étrangère avec qui discuter, elle m’a proposé de me faire visiter « l’autre face de Night City » : les Badlands.

Les Badlands, c’est se qui se trouve au-delà de la banlieue de Night City. Des plaines désertiques, avec ça et là un motel, une ferme, un lac, un canyon. C’est là que finissent les voitures volées, les cadavres que l’on essaye de planquer, les amours interdits en quête de liberté. C’est aussi là que vivent les Nomades, dont fait partie Panam. Des gens sans autres attaches que « la famille », qui recyclent les déchets de Night City pour les revendre sur le marché noir. Une activité peu lucrative, mais qui leur permet de vivre relativement éloignés de la folie de Night City (qu’ils exècrent, de toute façon).

Il s’agit incontestablement de mon coup de cœur lors de ce séjour. Il est vrai que je cherchais une claque monumentale en me plongeant dans un lieu aux antipodes de mes aspirations les plus profondes, mais après seulement quelques jours (nuits ?) à visiter Night City, je commençais à devenir marteau. Je ne dormais plus, la faute aux néons omniprésents et au bruit incessant. La fièvre de la ville commençait à déteindre sur moi et je me sentais à cran constamment. Il était temps que ça s’arrête, alors j’ai décidé de prendre au sérieux l’invitation de Panam et de passer le restant de mon voyage à filer à travers le désert, pied au plancher, les cheveux flottant dans le vent et la poussière.

Brace yourself, parce qu’on tient là un des coins les moins connus de toute la Californie ! 

Panam, ma guide dans les Badlands
Pour commencer, laissez-moi vous présenter ma nouvelle guide, Panam ! Elle vit dans un campement situé au-delà des falaises de Rocky Ridge, ce qui rend le trajet assez long et ardu, mais permet aussi d’être relativement peinard loin de la NCPD (Night City Police Department).
Feu de camp chez les Nomades
Le premier jour, j’ai visité le campement de son clan de Nomades : les Aldecaldos. Ils adorent se retrouver au coin du feu le soir pour papoter et griller des saucisses. Scooter joue très bien de la guitare et arrive à créer une ambiance magique au milieu de ce désert aride !

Champ de vieilles éoliennes
Au petit matin, on prend la clé des champs pour explorer le parc des vieilles éoliennes, vestiges de quand la Californie avait encore une vague conscience écologique.

Station essence de Night City
Les stations essence sont le poumon des Badlands. Sans elles, rien ne va plus !
Panam et moi au camp de Nomades
Photo souvenir avec Panam dans sa caravane. Une guide formidable qui est devenue une amie très chère !
Tempête de sable dans le désert californien
Qui dit désert, dit aussi tempête de sable. Vous vous rappelez quand on hallucinait tous sur le sable du Sahara qui a vaguement teinté notre ciel français en mars ? Et bien à Night City, c’est puissance 10 000. Un moment immortalisé sur une de mes photos préférées !
Sortie de Night City
Tout voyage a une fin, et Night City ne déroge pas à la règle.

Je ne saurais qualifier précisément le sentiment qui m’envahit quand je repense à Night City. Je me souviens que j’ai senti un immense soulagement lorsque j’ai quitté la ville. J’en avais plein la tête et il était temps de me déconnecter de Night City. Et pourtant, cette ville s’est introduite jusqu’au plus profond de mon âme. 

Plusieurs mois après être rentrée, je sens toujours la caresse moite du courant d’air nauséabond des bouches de métro. Le bruit métallique des vieux immeubles qui se font dépecer pour alimenter le marché noir. Dans la rue, je m’étonne de ne pas trouver de distributeurs pour acheter tout et n’importe quoi. Les publicités me paraissent plan-plan, aussi.

En fait, Night City, c’est un peu cet ex toxique dont on sait qu’il ne nous apportera que des mauvaises choses, mais auquel on se sent attiré de manière presque magnétique pour une raison que l’on n’arrive pas à expliquer rationnellement. Une fois que l’on a ouvert la boîte de Pandore, il n’y a plus de retour en arrière possible, et même si l’on s’en éloigne, les cicatrices sont indélébiles.

Night City, c’est une destination pour touriste averti. Elle fascine, autant qu’elle dégoûte. On n’en revient pas indemne, pour le meilleur comme pour le pire. Mais si vous vous sentez quand même prêts à tenter l’expérience, j’ai un bon plan pour vous :

Disclaimer

Absolument toutes les informations données dans cet article sont véridiques.
En fait, j’ai juste oublié de vous préciser une chose.

C’est que Night City existe uniquement sur le disque dur de 14 millions de personnes, dans un dossier qui s’appelle « Cyberpunk 2077 ».

Une façon à moi de vous rappeler que le jeu vidéo est lui aussi un vecteur de voyage, et qu’aucun confinement ni restriction sanitaire ne peut nous enlever ce précieux outil d’évasion.

Cet article vous a fait voyager ? Partagez-le sur les réseaux sociaux !

© Tous droits réservés