Son billet tamponné, il se fraya un chemin au travers du promenoir pour atteindre une loge du balcon.

Son billet tamponné, il se fraya un chemin au travers du promenoir pour atteindre une loge du balcon.

Il regarda les gens de la haute bourgeoise s’installer en contrebas dans un brouhaha feutré. Il ne put s’empêcher de ricaner en observant les dames, avec leurs volumineux chapeaux, faire plus d’effort pour être vues que pour voir la scène. En ces temps-là, aller au théâtre n’était qu’un prétexte pour pouvoir se donner en spectacle. Au détriment des comédiens, la plupart du temps. Il trouvait cela dommage, car il aimait se laisser surprendre par les coups de théâtre et destins tragiques : un héritage de son père, amateur de Shakespeare, qui lui lisait jadis Le Roi Lear au coin du feu.

Là, côté cour, il avait une vue imprenable sur la scène et le public. La faible luminosité rendait ardue la vision côté jardin : il espérait que cela ne compromettrait pas son plan. Il était proche de la banqueroute à cause des taxes élevées du gouverneur et était prêt à tout pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Il n’avait plus qu’à attendre le signal.

Soudain, il entendit les trois coups caractéristiques sur le plancher. Le rideau se leva et seuls quelques murmures continuèrent de meubler la vaste salle. Derrière lui, un froissement de tissu. Un employé du théâtre entra dans sa loge et lui remit un billet, présenté sur un plateau d’argent, puis s’éclipsa sans rien dire.

Lentement, il déplia le papier pour connaître ses directives.

« Siège 11 ».

Il soupira de soulagement. C’était proche de la scène, où les spectateurs étaient encore baignés de lumière. Une aubaine pour un travail rapide et sans bavure.

À la faveur de la pénombre, il sortit son arme et ajusta son tir.

Il appuya sur la gâchette. Des hurlements retentirent. 

Profitant de la confusion générale, il sortit de sa loge, passa par les coulisses puis ouvrit la porte de derrière. La cacophonie résonnait jusque dans la rue.

Il venait d’assassiner le Président des États-Unis. Mais cela, il ne le sut que le lendemain, lorsqu’il acheta le journal avant d’embarquer avec sa famille sur un bateau. Direction : la Jamaïque. Une nouvelle vie l’attendait, grâce à la bourse bien remplie qu’une main anonyme lui avait tendue depuis une calèche.

Une adaptation très librement inspirée de l’assassinat d’Abraham Lincoln, 16è Président des Etats-Unis, lors d’une pièce de théâtre

L’initiative #UnJourDesTextes

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