« La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la diversité fond comme neige au soleil, et ça n’est toujours pas appréhendé comme un enjeu prioritaire. On s’évertue à entretenir, voire à réanimer, un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres. » Nicolas Hulot, ministre de l’Ecologie, discours de démission du gouvernement.

Je vous ai parlé dans mon premier article de ma décision de quitter le monde de l’entreprise classique, à la fois pour ma propre sauvegarde, mais aussi par conviction écologique et sociétale. Et pourtant, il est déjà trop tard. Nous le savons tous. D’un point de vue écologique, il s’agit à présent de choisir entre le mauvais et le pire à venir. Agir, ou rester les bras croisés.

Il s’agit du second point sur lequel je voulais rebondir suite à l’annonce de la démission de Nicolas Hulot du gouvernement. Je trouve tout d’abord qu’il a fait cela avec beaucoup de classe, contrairement à ce que l’on peut en dire, car il s’agit d’une décision qui nous concerne tous. Il a souhaité nous en parler à nous en premier, et non à ceux qui détiennent le pouvoir et qui freinent depuis des décennies la transition écologique. Je ne l’ai jamais senti aussi proche de ses concitoyens que dans cet instant, ce matin même. Son humilité est frappante : il reconnaît, sans autre forme de procès, qu’au sein du gouvernement, il a les pieds et poings liés et ne peut agir pour le bien commun à sa juste mesure, et ne peut continuer ainsi sans se trahir lui-même.

Il a compris, à l’image des freelances avec le salariat, que lorsque le gouvernement mène la danse, même si on peut penser être libre parce qu’on nous permet de choisir entre la valse et le rock, il s’agit avant tout de danser avec lui. Même si la Terre et l’Humanité réclament des musiciens pour survivre et non des danseurs (pardonnez-moi cette comparaison assez romanesque, mais j’avais rien d’autre sous la main).

Coupables et victimes

La teneur de son message ne m’a pas alarmée. Nous savons tous qu’il est déjà trop tard pour sauver la totalité de notre biodiversité. Nous sommes tous coupables et victimes, en tant que citoyens. Personnellement, cela ne fait que depuis quelques années que ma conscience écologique s’est réveillée. D’ailleurs, je continue à la travailler, car j’estime être très loin du compte. J’ai besoin de temps pour lire, pour expérimenter, pour que de nouvelles idées mûrissent et que je puisse les assimiler.

Par exemple, il y a encore pas si longtemps, j’achetais des vêtements sur un coup de tête, sans penser plus loin à l’impact que cette pratique consumériste peut avoir. Il m’a fallu du temps pour me documenter, pour laisser l’idée germer puis s’ancrer en moi. Si j’avais forcé les choses, je me serais sentie frustrée de me priver au nom d’idéaux que ne n’avais pas eu le temps de faire miens. A présent, je ne ressens plus le besoin d’alimenter ma garde-robe et je me sens coupable dès que je dois racheter une nouvelle fringue pour en remplacer une, car je pense à tout ce qu’il y a derrière. On vote avec notre porte-monnaie, après tout. J’essaye d’être plus raisonnable et, doucement mais sûrement, de m’approprier de nouvelles pratiques plus respectueuses de l’environnement. Mais cela prend du temps de déconstruire les schémas que j’ai suivis, sans le savoir, depuis ma naissance (et pourtant, mes parents sont vraiment à la page en matière d’écologie, c’est dire à quel point le système est redoutable face à ceux qui n’ont pas une seule once d’autocritique).

J’ai conscience de ne pas être le meilleur exemple en matière d’écologie. J’ai participé, moi aussi, à façonner ce monde pollué, et la frontière est mince entre subir et faire subir. Je me sens coupable d’avoir une voiture, de prendre l’avion quand je pars en voyage, de craquer de temps à autre pour des plats industriels. Et pourtant je me sens victime, car les alternatives sont souvent trop chères, trop peu nombreuses, ou hors de portée. Alors je continue à vivre avec de mauvaises habitudes, et ça me fait vraiment ch***.

Sommes-nous si impuissants ?

Je discutais il y a peu avec une collègue freelance (coucou Jess !) de notre désarroi face à cette situation, où nous ne savons pas vers qui ou quoi nous tourner. Nous savons que quelque chose cloche et que nous devrions agir, mais pour faire quoi ? Nicolas Hulot lui-même a échoué à faire changer le gouvernement. Qui sommes-nous pour prétendre pouvoir faire mieux ? Finalement, c’est très simple. Nous ne sommes rien, mais nous sommes nombreux. Et de nombreux « riens » seront toujours plus à même de changer les choses que peu de « puissants », qui fondent toute leur puissance sur les « riens » que nous sommes. D’ailleurs, si nous étions si insignifiants que cela, auraient-ils autant de pouvoir ? Je ne le crois pas. Ceux qui gouvernent ne peuvent ignorer des millions de fourmis qui s’additionnent tout d’un coup.

Il nous revient donc à nous de nous sortir les doigts du fondement, parce que personne ne pourra le faire à notre place. Il faut être réaliste : on attend des entreprises et des gouvernements qu’ils montrent l’exemple, réduisent leurs émissions de CO2, restaurent la biodiversité et tutti quanti. Mais, par définition, ces structures ont une existence uniquement sur le papier. Le seul dénominateur commun reste l’Humain. Si nous pouvions seulement cesser de donner autant de pouvoir à des entités qui n’existent qu’au travers des termes juridiques et de leurs livres de comptes, et reprendre un peu plus la part de pouvoir qui nous revient, alors le processus de développement durable serait peut-être plus simple à mettre en branle.

Il est temps d’arrêter d’attendre que le changement vienne d’en haut. Nicolas Hulot nous a prouvé ce matin que ce n’était pas possible. Il doit venir d’en bas. De nous tous. Il doit provenir de nos façons de consommer, de nos façons de travailler, de nos façons de nous exprimer.

Mes armes : Zone-Blanche et mon statut freelance

En ce qui me concerne, j’ai peu de talents si ce n’est l’écriture, la veille et la curiosité. C’est d’ailleurs la raison première pour laquelle j’avais créé Zone-Blanche : donner une tribune à ces endroits du globe, oubliés par tous. Pour que, dans le meilleur des cas, on puisse savoir qu’ils existent, et par ce savoir se sentir concerné et les protéger autant que possible des aléas catastrophiques à venir d’un point de vue écologique. Et que, dans le pire de cas, on se souvienne d’eux et de leurs bonnes idées qui pourraient peut-être sauver la mise à d’autres.

Je n’ai aucune idée de si Zone-Blanche deviendra, au fil des années, un cimetière d’endroits dévastés à jamais dont tout le monde se fout éperdument, ou s’il sera comme une réserve naturelle 2.0 des endroits les plus insolites de la planète. Quoi qu’il en soit, je refuse de rester les bras croisés et je souhaite continuer à être un des nombreux porte-parole de cette planète qui a tant à nous offrir. Seuls, on avance ensemble et plus loin.

J’ai aussi entrepris de me spécialiser dans le développement durable, la green tech et le paysagisme au travers de mon activité de freelance. Je souhaite aider des entreprises qui font quelque chose de bien, pour le monde, et qui ont une vraie démarche RSE en les aidant à gagner en visibilité. Je me dis qu’en participant à faire connaître des initiatives intéressantes, je m’investis moi aussi pour un avenir meilleur pour tous. Je suis raccord avec mes valeurs en travaillant avec de tels clients tout en préservant mon libre arbitre et ma capacité à être critique.

Merci à Nicolas Hulot de nous avoir montré que l’autoroute n’est pas forcément la voie la plus efficace pour mener le changement, parfois il faut savoir prendre la première sortie et emprunter une déviation pour se rendre à bon port.

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